De la communication à la communication digitale

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Donner une définition précise et universelle à la communication en tant que telle n’est pas chose aisée. De nombreuses théories et explications ont été avancées, certaines venant contredire les précédentes, et d’autres les compléter. Au risque de donner une portée trop large à ce terme, nous allons l’étudier sous plusieurs prismes en tentant de lui redonner un contexte historique et chronologique.

 La communication pour transporter un message

Si nous devions partir d’une base, pour Philippe Breton et Serge Proulx (2012), la communication est l’action de mettre en forme une information. L’information, elle, est purement objective. Mais au-delà de sa mise en forme, le but premier de la communication est tout simplement de transmettre cette information, de transmettre un message.

Le transport de cette information, quant à lui, ne peut s’effectuer sans un mode de transmission, un moyen de communication. Pour Philippe Breton et Serge Proulx (2012), au fil des âges, l’homme a développé quatre grands moyens de communication que sont le geste, l’oral, l’image et l’écrit. Un cinquième pourrait être la musique, dont on retrouve des « moyens de communication sonores » dès – 15 000 avant J-C (Louis-René Nougier).   

Les 4 grands moyens de communication selon Breton et Proulx (2012) Le geste : le tout premier moyen de communiquer de l’être humain serait le geste, une sorte de langage des signes, peut-être associé avec des sons vocaux limités, bien avant l’apparition de « l’humanité ». La parole n’arriverait qu’après, l’être humain n’étant auparavant pas équipé de l’appareil phonatoire requis pour articuler. L’oral : arrive dès la préhistoire (- 100 000) avec la capacité de l’homme à pouvoir former une parole. Vite adoptée, vite universalisée, l’oral peut se passer du visuel et même s’exercer à distance. Elle possède une grande plasticité qui la rend supérieur au geste seul. L’image : apparaissant entre -50 000 et -30 000, l’image va devenir un moyen de communication universel, permettant de décrire des situations en les représentant graphiquement, offrant même la possibilité de construire un véritable récit. L’écrit : dernier né des moyens de communication (environ -6 000), l’écriture devra attendre deux millénaires avec l’apparition de l’écriture alphabétique pour être généralisée. Hybride entre l’oral et l’image, l’écriture n’est au départ que des dessins, puis au fil des innovations va se rapprocher de la retranscription des sons.

Ces moyens de communication ne viennent pas remplacer le précédent, mais viennent se compléter entre eux : la parole peut se compléter du geste et le geste de la parole, l’image de l’écriture et l’écriture de l’image. Tous se sont enrichis au fil des innovations pour se réaliser pleinement au travers des « supports de communication ». 

Ce sont ces supports de communication qui se sont créés pour donner un cadre aux moyens de communication et qui continuent de se développer aujourd’hui. Par exemple, l’oral, qui repose sur les dimensions sonores et acoustiques, bénéficiera des avancées dans ce domaine, jusqu’à la radio ou aux smartphones. Le développement de l’écriture aura favorisé un mouvement d’innovation de l’imprimerie à l’informatique. L’image, elle, vivra et s’animera dans la télévision et la vidéo. « Du moyen au support, c’est un vaste mouvement d’innovation qui se met en place au service de la communication et du transport de la parole » (BRETON, PROULX, 2012, p.24).

Les trois grands types de communication

Comme nous avons pu le voir, la pratique de la communication est indissociable de la vie en société humaine. Les théoriciens qui se sont appliqués à lui définir un fonctionnement ont regroupé le vaste champ de la communication en trois grands domaines, trois types de communications, variant selon leur nature et le nombre d’acteurs impliqués. Avant d’en étudier les théories, il est important de les définir.

Communication interpersonnelle

La communication interpersonnelle représente la base même de la communication dans les relations humaines et dans la vie en société. Elle « se définit par l’échange de messages et de codes entre deux individus » (Bruno JOLY, 2009). L’un émetteur d’un message et l’autre le récepteur. Elle suit un schéma simple qui sera définit plus bas par Shannon, Weaver et Wiener : l’émetteur envoie un message en passant par un canal de communication, qui sera reçu par un récepteur qui réagira à ce message. Par exemple, une discussion téléphonique est une communication interpersonnelle.

Le domaine sera complété par les études de l’école de Palo Alto qui y intégrera plusieurs messages transmis par la communication verbale et non verbale.

Communication de groupe

La communication de groupe se caractérise par le fait qu’un ou plusieurs émetteurs transmettent un message à un groupe d’individus ciblé. Ces individus partagent généralement des intérêts communs qui les ont réunis dans ce groupe. Une réaction peut également être renvoyée à ou aux émetteurs, mais celle-ci est en générale plus longue à être transmise.

Le mode de communication de groupe est apparu avec l’émergence de la société de consommation d’après-guerre, dans les années 50. Son exemple type étant la publicité des entreprises.

Communication de masse

La communication de masse, contrairement à la communication de groupe, est la transmission d’un message provenant d’un ou plusieurs émetteurs vers le plus de récepteurs possibles. Ici, les récepteurs ne sont donc pas ciblés. Il n’y a pas non plus, ou très peu, de réaction retransmise à l’émetteur.

Dans la communication de masse, l’objectif est d’atteindre rapidement une très large audience, au risque de déperdition du contenu du message à un public trop hétérogène, avec des intérêts différents. Cette communication est totalement contrôlée par l’émetteur. Par exemple, une communication importante du gouvernement diffusée à la télévision fait partie de la communication de masse.

Les théories et modèles de la communication

Comme énoncé, au fil des ans, nombreux sont ceux qui se sont essayés à donner un modèle universel définissant la communication. En a émergé un domaine d’étude des « Sciences de l’Information et de la Communication » qui possède ses grandes théories et ses grands théoriciens, chacun se focalisant sur un type de communication pour en extraire un fonctionnement. Ce domaine d’étude a émergé durant le XXème siècle, mais bien avant cela, certains étudiaient déjà la communication avant même de la définir comme telle. Nous allons reprendre certains de ces modèles, par ordre chronologique, pour tenter de définir une cartographie des principales théories modernes de la communication.

La rhétorique ancienne de Corax et d’Aristote

Dans la Grèce antique, la rhétorique comme l’art de convaincre constitue la première étude de la communication à travers « la parole ». On peut définir la rhétorique « comme réflexion sur le discours dont le but est de convaincre, et comme enseignement des techniques de persuasion » (BRETON, PROULX, 2012, p.121). On en découvre le pouvoir, les bienfaits qu’elle peut apporter pour se défendre comme les méfaits qu’elle peut provoquer pour manipuler. Pour Roland BARTHES (1970), on a commencé à réfléchir sur le langage pour défendre son bien.

Le premier théoricien connu et considéré comme professeur de rhétorique est Corax qui, vers -485, rédige un manuel qui va servir de base à tous les rhéteurs. Il y explique un ensemble de techniques qui permettent d’argumenter plus efficacement où, au-delà de simplement proposer un plan, il systématise des modes de raisonnement et d’argumentation types. On tient là ce qui serait considéré comme le premier « manuel de communication ».

Bien des années plus tard, vers -384 à -322, Aristote, élève de Platon, définira la rhétorique comme l’art de « découvrir tout ce qu’un cas donné comporte de persuasif ». La rhétorique d’Aristote est plus souple qu’un simple discours énoncé et tient compte des circonstances, mettant en avant la capacité d’un orateur à s’adapter aux occasions, à son auditoire et au contexte. Une forme de prise en compte du « feedback », terme présent dans des modèles de communication définis bien des années plus tard et qu’on abordera plus bas.

Les travaux d’Aristote sur la parole formeront une œuvre appelée Rhétorique, en trois tomes, que Roland BARTHES (1970) rapproche des conceptions modernes de la communication. Le premier livre qui aborde la conception des arguments est consacré à l’émetteur du message, le livre deux parle quant à lui du récepteur du message et le livre trois aborde le message en lui-même. « Aristote a en effet conçu un art nouveau de la communication quotidienne et de la prise de parole en public » (BRETON, PROULX, 2012, p.124).

Les apports de la cybernétique de Norbert Wiener

La notion de cybernétique est étroitement liée avec l’apparition de l’ordinateur en 1945. Mais au-delà de sa signification technologique, la cybernétique représente l’une des premières approches modernes de la communication. Dans les années 1940, un nouveau champ de savoir presque exclusivement consacré à la communication émerge.

Le mathématicien Norbert WIENER présente la cybernétique comme « l’étude du contrôle et des communications ». Entre 1942 et 1948, à travers cette nouvelle science, il définit une matrice de réflexion sur les phénomènes de communication. Il y présente l’importance du « feed-back » (rétroaction), terme connu depuis l’antiquité, qui est le dispositif informationnel qui permet d’ajuster son comportement en fonction des effets de son action (par exemple de son discours). Il démontre ainsi que tous les éléments d’un système sont en interactions les uns avec les autres. Pour WIENER, le « feed-back » est la source de tout comportement intelligent (BRETON, PROULX, 2012, p.129).

En travaillant sur la compréhension des relations entre les actions, Wiener présenta l’importance qu’ont les événements entre les êtres dans leur prise de décision. A travers ces études, il fait naître officiellement la notion de « communication », très liée à l’information. La cybernétique a mis en lumière la communication comme trait commun à toutes les sciences, comme élément essentiel de chaque phénomène.

La théorie mathématique de la communication, de Claude E. Shannon

Jusque-là très large, la notion de communication s’est enrichie de théories mais d’aucun modèle concret permettant d’en comprendre le fonctionnement. En 1949, avec l’émergence de la téléphonie et de la transmission télégraphique, Claude Shannon propose un schéma de la communication en illustrant simplement la transmission d’un message et en omettant la signification dudit message. En collaboration avec le philosophe Warren Weaver, ils définissent ensuite encore plus clairement le modèle de Shannon.

Ils présentent les choses ainsi : une source souhaite émettre un message, qui va être encodé (mis en forme) puis transmis via un canal choisi, puis décodé par un récepteur et reçu par le destinataire. Dans ce schéma, du « bruit » peut interférer au moment du transfert par le canal. Weaver apporte en plus du « bruit » pouvant interférer également sur l’émetteur et le récepteur, influençant la compréhension du message.

Figure 1 – Le schéma de Claude Shannon et Warren Weaver

Source : Les modèles de Shannon, Wiener et Weaver, Le Communikator, 2012

Au départ définissant simplement le système de communication entre machines, le schéma est suffisamment explicite pour définir la communication au sens large et simplifier les échanges entre êtres humains. Largement inspiré par les travaux de son maître, Norbert Wiener, le schéma va permettre de mieux comprendre tous les aspects uniquement informationnels de la communication.

Le modèle de la communication de Shannon a également permis de nombreux progrès dans le domaine de l’informatique.

Influence et persuasion, le modèle de Lasswell (Qui, quoi, comment, pour qui)

À la même époque, en 1948, le chercheur américain Harold Laswell reprend le concept d’Aristote sur le processus de persuasion pour analyser la communication de masse grâce à un modèle qu’il présente comme une formule de cinq questions.

La formule de Laswell Qui ? Dit quoi ? Par quel canal ? A qui ? Avec quel effet ?

Pour Laswell (1948), « on peut décrire convenablement une action de communication en répondant » à ces questions. Son modèle montre la communication comme un processus d’influence et de persuasion, purement linéaire, sans prendre en compte la notion de « feed-back ».

L’objectif de son modèle était de démontrer comment le processus de communication peut fortement affecter le récepteur d’un message, et comment l’émetteur peut adapter la transmission pour influencer le récepteur. Il met ainsi en lumière la façon dont communiquent les propagandes, mais également les médias, et peut facilement être étendu à la communication des marques dans la publicité.

La communication verbale du modèle de Jakobson

En 1962, le linguiste Roman Jakobson propose un modèle de la communication verbale à travers six facteurs auxquels il associe six fonctions distinctes. Pour lui, « le langage doit être étudié dans toutes ses fonctions » (JAKOBSON, 1960).

Figure 2 – Modèle de Jakobson

Source : De la communication à l’interaction : l’évolution des modèles, Dominique Picard, 1992

Les 6 fonctions des 6 facteurs : DESTINATEUR, fonction émotive : il est engagé émotivement dans ce qu’il dit. DESTINATAIRE, fonction conative : l’effet voulu sur le destinataire par le destinateur. CONTACT, fonction phatique : ce qui tend à maintenir l’échange. CODE, fonction métalinguistique : pour vérifier que les deux utilisent le même code. CONTEXTE, fonction référentielle : influe sur la signification du message. MESSAGE, fonction poétique : la forme du message avec sa propre valeur expressive.

Pour Dominique PICARD (1992), « le modèle de Jakobson vise à saisir la communication humaine dans toute sa complexité » en se dégageant d’une vision simplement mécaniste de celle-ci.

Des groupes de références, le modèle de Riley et Riley

En 1959, les chercheurs John et Mathilda Riley intègrent le processus social dans le processus de communication. Leur modèle replace « communicateur » et le « récepteur » au sein de groupes primaires dans un contexte social. 

Ces groupes influent sur la manière de penser, de transmettre et de recevoir des messages. Ils reprennent également la notion de « feed-back » de Wiener avec une boucle de rétroaction entre l’émetteur et le récepteur qui démontre un phénomène d’inter-influence entre les individus qui communiquent. Les deux s’adaptent en fonction du feed-back qui peut être positif ou négatif. Ce modèle est considéré comme l’un des précurseurs de la communication de groupe.

Figure 3 – Modèle de Riley et Riley

Source : De la communication à l’interaction : l’évolution des modèles, Dominique Picard, 1992

Une approche novatrice, l’École de Palo Alto

L’École de Palo Alto est un courant de pensée né au milieu du XXème siècle. Bien que n’ayant jamais utilisé cette appellation pour les définir, elle désigne un groupe de chercheurs appartenant à des disciplines différentes mais ayant tous la même vision systémique. Ils ont jeté un regard nouveau sur ce qui fait les bases de toutes interactions humaines.

Leur ajout est qu’au-delà d’en proposer un schéma, ils ont proposé une formalisation rigoureuse de la communication interpersonnelle centrée autour de grands principes : « le primat de la relation sur l’individualité ; le fait que tout comportement humain a une valeur communicative et que tous les phénomènes humains peuvent être perçus comme un vaste système de communications qui s’impliquent mutuellement ; l’hypothèse que les troubles de la personnalité ou du psychisme peuvent être ramenés à des perturbations de la communication » (PICARD, MARC, 2015). 

Ils ont remis « l’individu » au centre de tout processus de communication et ont présenté celle-ci comme systémique : la communication se place dans un système en interaction, qui est chamboulé en intégralité si un seul de ses éléments est modifié (principe de totalité), elle n’est pas linéaire, chaque action d’un individu influence l’autre individu (principe de rétroaction, qui peut être négatif ou positif), elle n’est pas régit par ses conditions initiales mais évolue constamment en fonction des interactions de ses participants (principe d’équifinalité).

Ce sont là les trois principes de base du regard systémique de la communication interpersonnelle. L’École de Palo Alto y apporte de nombreuses nuances et l’observe sous des visions différentes en prenant en compte tous les éléments qui la composent. Plutôt que de la montrer de manière schématique, elle souligne le fait que toutes les situations de communication mettent en présence des individus caractérisés par leurs attitudes et leurs motivations. « La communication y est donc présentée comme un phénomène complexe, dynamique plus que mécanique » (PICARD, 1992, p.78).

 La communication comme outil publicitaire, la rhétorique d’aujourd’hui

De base, notamment par tous les modèles que nous avons étudiés jusqu’ici, nous voyons la communication comme un processus de transmission d’un message entre individus comme personnes humaines. Mais lorsque l’on parle d’individus, nous pouvons parler de toute personne physique ou morale ayant la capacité d’émettre un message, et donc également d’entreprises.

En entreprise, la communication a pour objectif de développer le chiffre d’affaires. Pour Bruno JOLY (2009), « selon sa complexité, l’entreprise va devoir développer une communication externe et interne ». Les stratégies de communication externe ont pour objectif de promouvoir, à l’extérieur des murs de l’entreprise, leur produit ou leur service, à travers une marque et selon des techniques commerciales bien inspirés des modèles que nous avons vus.

Ainsi, la publicité qui vise à convaincre le consommateur du besoin de se procurer le produit/service en question relève directement des techniques de la rhétorique ancienne d’Aristote. La publicité est au centre de notre société de consommation, elle « s’impose et impose des modes de vie » (BRETON, PROULX, 2012) avec une incroyable capacité à manipuler les signes et à utiliser les recettes de l’« art du convaincre ». Malheureusement, celle-ci n’est pas toujours accompagnée par une réflexion éthique. 

Selon Abad et Compiegne (1992) « toute pratique publicitaire correspond à un modèle et chaque message publicitaire reflète l ́idée que l ́on se fait du consommateur ». En découle quatre théories majeures des stratégies de communication publicitaires, reposant sur des conceptions particulières du consommateur à influencer.

La publicité persuasive et informative

On considère le consommateur comme un être rationnel, qui réalise l’acte d’achat après un jugement mûrement réfléchi. Dans cette stratégie, l’objectif sera de le convaincre en utilisant des arguments rationnels, de le persuader et l’informer. On insistera donc sur la fonction utilitaire du produit en mettant en évidence un besoin à combler. Cette stratégie est aujourd’hui critiquée, la décision d’achat ne résultant pas toujours d’un raisonnement rationnel et la standardisation des produits avec la concurrence rendant difficile la différenciation sur une communication purement informative. Par ailleurs, comme nous le verrons ensuite, les consommateurs refusent de plus en plus l’influence de la publicité.

La publicité projective ou intégrative

Le consommateur appartient à des groupes sociaux qui, avec leurs normes, influent sur le comportement du consommateur. Ici, l’objectif sera de conférer au produit les attraits d’un groupe valorisant, l’achat résultant alors de sa signification sociale pour le consommateur. L’acte doit provoquer chez lui un sentiment de renforcement de son appartenance à un groupe social.

La publicité mécaniste

La théorie de la publicité mécaniste affirme qu’une partie, voir l’ensemble du comportement économique du consommateur ne tient d’aucun raisonnement rationnel ou conscient. Il est passif et soumis au conditionnement. Sa consommation se fait par réflexe, par habitude. Une stratégie de publicité mécaniste visera alors à créer chez lui un automatisme en agissant sur son conditionnement. Par exemple, le matraquage publicitaire avec des signes reconnaissables et omniprésent peu importe la campagne en cours constitue une stratégie mécaniste. L’un des reproches fait à cette technique est la mauvaise image qu’elle renvoie de la publicité.

La publicité suggestive

Dans cette théorie, on estime que le consommateur est dynamique, mû par son inconscient, ses motivations. L’objectif d’une stratégie suggestive va être de connaître ses motivations pour pouvoir lui suggérer par des connotations (faisant appel aux sens et non à la raison) l’acte d’achat. Cette publicité met alors en avant l’image que le consommateur a du produit, révélant ses significations symboliques. On peut reprocher à cette stratégie de trop s’éloigner du produit en mettant l’accent sur le désir du produit plutôt que sur le produit lui-même.

 Le numérique, une révolution pour la communication

Dans les années 80, la « révolution numérique », considérée comme la quatrième révolution industrielle, vient bouleverser les tendances mondiales sur de nombreux domaines, notamment la communication. Cette révolution se base sur l’émergence de l’électronique, des télécommunications et de l’informatique, donnant lieu à la naissance des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), puis des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), faisant évoluer les modèles que l’on connaît aujourd’hui. 

Comme expliqué plus haut, les travaux de WIENER sur la cybernétique sont étroitement liés à l’apparition du premier ordinateur en 1945 de l’américain Jon von NEUMANN (BRETON, PROULX, 2012) et donc de l’informatique. Bien que l’utilisation des TIC fasse partie des supports de communication depuis l’époque du télégraphe, ce n’est qu’avec cette apparition de l’informatique que leur usage va se démocratiser et se généraliser jusqu’à la révolution numérique.

La démocratisation d’internet

La plus grande nouveauté de cette révolution numérique reste l’invention d’internet. Dans les années 60, sous tutelle du gouvernement américain, plusieurs scientifiques sont chargés de travailler sur la recherche informatique, dirigés par un informaticien : Joseph Carl Robnett Licklider. 

Travaillant pour le Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), ils installent trois terminaux de recherches dans trois lieux distincts des États-Unis. De ce système naît un problème de gestion des communications. Les scientifiques étaient obligés de passer d’un terminal à un autre pour communiquer avec un autre site, bloqué par la transmission d’un terminal à un autre, sans interaction avec le troisième. Née alors l’idée de création d’inter-réseaux pour communiquer facilement entre eux : l’ARPAnet, précurseur d’internet (MARKOFF, 1999).

Ce système de réseau se développe ensuite, faisant germer de nombreuses alternatives, s’enrichissant les unes des autres et se développant au niveau mondial pour finalement aboutir, dans les années 80, à l’internet. C’est un support de communication dont les applications sont diverses. À cette époque, l’application la plus importante de ce nouveau réseau est le routage du courrier : le courrier électronique.

Au début des années 90, internet connaît un franc succès et s’ouvre alors au trafic commercial. C’est dans ces années-là que l’internet tel qu’on le connaît aujourd’hui prend réellement forme : un réseau qui relie tous les autres réseaux et permet à différents ordinateurs de communiquer entre eux en parlant le même langage.

« C’est alors que le World Wide Web est arrivé et a transformé l’Internet, technologie d’interconnexion des réseaux d’ordinateurs qui comptait 213 machines connectées en août 1981, en un cyberespace planétaire qui a atteint 5 milliards de terminaux connectés en août 2010 » (VIAL, 2013). Le World Wide Web est un système hypertexte développé au sein du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) permettant aux différents collaborateurs de partager leurs informations sur des sites web (terme utilisé plus tard). En 1991, le World Wide Web, ou « Web », est rendu public.

Qu’est-ce que la communication digitale ?

De la démocratisation d’internet émerge la communication digitale, une nouvelle discipline de communication. Elle désigne « l’ensemble des échanges et des informations transmises via tous les supports que proposent l’écosystème numérique » (ESSIQUE, 2018). 

Nous devrions alors parler de communication numérique, mais « la communication digitale est ainsi nommée par analogie avec les ordinateurs qui fonctionnent sur le mode de comptage des données (ou bits), appelées digits parce qu’autrefois on les comptait sur les doigts. Elle se spécifie par l’emploi de signes conventionnels où l’expression n’a pas de rapport direct avec l’objet exprimé. Les langues fonctionnent de cette façon : par exemple, le mot qui désigne un oiseau diffère selon les langues et n’a pas de rapport avec l’animal signifié » (PICARD, MARC, 2015).

Par ailleurs, le « numérique tend à renvoyer de fait au technologique, à la dimension discrète de la technologie. Digital semblerait concerner plutôt l’usager dans son expérience de cette technologie numérique » (MATHÉ, 2015). Le terme digital serait donc bien étroitement lié à la communication, par le biais de technologies numériques.

La communication digitale est une discipline aujourd’hui appréhendée, maîtrisée, utilisée et souvent dirigée par le monde professionnel. Les entreprises développent leur visibilité en définissant des stratégies et des actions qui seront menées sur le web, avec pour but de transmettre des valeurs, des messages qui vont attirer l’attention des internautes. La communication digitale se concentre sur les interactions entre les internautes et l’entreprise. Cette communication est en constante mutation, s’adaptant aux usages et aux avancées technologiques. Aujourd’hui, son utilisation la plus répandue est l’animation d’un réseau grâce à la fédération d’une communauté, vecteur efficace pour transmettre un message, par le biais des réseaux sociaux, de sites web, de blogs, d’applications mobiles ou d’emailing.

Cette utilisation prend sa source dans l’évolution du web avec l’arrivée du Web 2.0, considéré comme la deuxième révolution numérique.

Le Web 2.0 et l’émergence des réseaux sociaux

Dans les années 2000, l’usage du web évolue et devient plus participatif. Les internautes, même avec peu de connaissances, s’approprient cet espace numérique et y génèrent de plus en plus de contenus. Les notions de blog, de wiki ou de réseau social apparaissent et se popularisent. C’est l’essor du Web 2.0, qui prend son sens dans le lien social et le participatif, avec pour fer de lance les réseaux sociaux comme Myspace en 2003, Facebook en 2004 puis 2006, ou encore YouTube en 2005 et Twitter en 2006. 

Au-delà du partage de contenu, ces réseaux ont en quelque sorte permis de développer une vision plus large de la notion de lien social, en présentant celle-ci comme le fait de mettre sa vie dans un livre ouvert, accessible à tous. Si on peut considérer Facebook comme le premier réseau social au sens du terme où on l’entend aujourd’hui, fort est de constater qu’il n’a rien créé mais juste démocratisé. Le fait d’aimer exposer sans retenue ses états d’âme et ses folies ne date pas de Facebook, le phénomène de la télé-réalité ou encore la participation des spectateurs aux antennes radio le montre. Cette façon de faire est maintenant donnée à tous, des stars aux politiciens, en passant par les grandes marques.

Toute technologie nouvelle apporte un changement dans les usages de l’être humain, le web comprit. Les médias sociaux « ne constituent pas en soi une innovation technologique, c’est davantage un usage nouveau du web 2.0, soit celui de permettre à quiconque de transmettre en temps direct des informations jugées intéressantes à diffuser auprès d’une cible qui à son tour peut réagir et la retransmettre à d’autres intervenants. C’est un système d’échange et de partage rapide et efficace » (DAGENAIS, 2019).

Les réseaux sociaux sont devenus de redoutables outils de communication, des acteurs à part entière, utilisés comme de véritables lieux de surveillance et d’acceptabilité par « la communauté », capable de faire grandir ou chuter le moindre individu, la moindre organisation qui s’y risque.

Une évolution des modèles ?

Si l’on est d’accord pour dire que la communication digitale passe majoritairement par internet, qu’en est-il donc de son type de communication ? La communication digitale est une communication interpersonnelle, de groupe et de masse.

Elle peut s’adresser à un très grand nombre de récepteurs, on pourrait alors la qualifier de communication de masse. Mais avec l’internet, le feedback est bien présent, voire plus rapide que par d’autres canaux de communication. La notion de rétroactivité est soit absente, soit très faible de la communication de masse. Elle peut être de groupe, catégorisant nos échanges sur internet et ciblant nos destinataires, notamment par le biais des réseaux sociaux. Mais ces groupes ne sont pas toujours structurés autour de critères d’appartenance, communiquant souvent largement sans forcément cibler particulièrement une personne. Elle peut être interpersonnelle, destinant notre message à un seul récepteur, qui réagira. Mais sur une publication publique, par exemple sur les réseaux sociaux, nous laissons le champ libre à une tiers personne de réagir elle aussi au contenu du message envoyé.

« Ainsi, la communication par internet peut-elle être tantôt de groupe (ex : le mail, les réseaux sociaux, les forums…) tantôt de masse (ex : les sites d’informations, les sites d’entreprises ou d’institutions qui servent de vitrines de présentation générale…) » (MOCH, 2016), tantôt interpersonnelle (ex : appel vidéo, messagerie instantanée…).

Les modèles et types de communication étudiés jusqu’ici sont aujourd’hui toujours valables. Mais avec le digital et internet, les types de communication se voient rapprochés les uns des autres, facilement modifiables, naviguant aisément entre les uns et les autres. Que ce soit par des individus ou des organisations, la communication digitale est devenue l’outil de tous, le contenu d’un message véhiculé pouvant varier et s’adapter à toutes les situations. 

Avec ce Web 2.0 est apparue une communication 2.0, ainsi qu’un consommateur 2.0. Des changements dans les habitudes de consommation fortement liées aux communications.

Louis Derollepot

Louis Derollepot

Louis Derollepot découvre la bière artisanale durant une année de césure dans ses études en dégustant plusieurs produits de brasseries diverses et tombe tout de suite amoureux du mouvement craft beer. À la même période, il s’oriente vers la communication digitale et rejoint l’ESDES Business School of UCLy pour y suivre une formation spécialisée. En 2020, pour sa dernière année de master Marketing & Digital Business en alternance, il décide d’allier sa passion avec ses études et choisit de rejoindre la Brasserie de la Semène en tant que Chargé de Communication & Opérateur de brasserie. En 2022, à l’occasion de la cinquième édition du Lyon Bière Festival, il présente le résultat de son travail lors d’une conférence-débat aux côtés du zythologue Emmanuel Gillard. Il travaille aujourd’hui en tant que Coopérateur polyvalent au Bieristan, bar à bière & restaurant en modèle SCOP à Villeurbanne.

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